Un des obstacles qu’on doit surmonter pour s’émanciper des préjugés sur les personnes du Sud Global, c’est le biais darwinien. D’un côté, on a l’impression que l’évolution de l’humanité s’est faite de manière linéaire : de la chasse et la cueillette, l’humanité est passée à l’agriculture, puis aux empires, puis à la révolution industrielle et maintenant à la modernité. De l’autre côté, on pense que les groupes dominants sont ceux qui sont les plus vertueux, typiquement les pays occidentaux.

Ce qui vient renforcer notre croyance en ce biais, c’est que nous ne sommes plus dans l’ère de la colonisation. Du coup, quand on voit que dans les 100 entreprises les plus valorisées dans le monde, presque 90% sont en Occident, c’est qu’on doit être plus compétent·es et doué·es.

Mais quand on y regarde de plus près, c’est plutôt qu’on est la région du monde qui a fait le plus usage du pouvoir.

D’un côté, même une fois l’indépendance accordée aux pays du Sud Global, l’usage de la force y est resté mais s’est déguisé sous une autre forme. On parle aujourd’hui de néocolonialisme quand les pays occidentaux utilisent leur ascendant (à travers le financement de coups d’état ou la corruption des élites politiques locales) pour imposer la privatisation et la libéralisation des ressources naturelles dans les pays du Sud Global. Ceci permet de dégager la voie pour que les grands groupes occidentaux puissent puiser dans les ressources d’autres continents. Dernier exemple en date, le projet Tilenga en Uganda qui force environ 100'000 à se déloger sans compensation ni consultation.

Pour celles et ceux qui veulent aller plus loin, vous pouvez aussi regarder le lien entre les grandes instances multinationales (p.ex. Fonds Monétaire International, Banque Mondiale) et l’accès aux ressources des pays occidentaux. Les aides de ces institutions étaient données en contrepartie d’avantages pour l’Occident.

Au final, selon certaines estimations, la valeur des ressources appropriées par l’Occident est 30 fois supérieure aux aides qu’il a données au Sud Global.

Depuis notre position en Occident, c’est difficile de se rendre compte de ces rapports qui nous sont cachés et pourtant bien connus des pays qui en sont la cible. Mais avec les rapports géopolitiques qui changent, ces dynamiques sont de plus en plus rendues visibles. On se rend compte que cette communauté internationale dont on a parlé jusqu’à cette décennie ne représentait que la minorité des pays les plus puissants. En bonus, une communauté plus restreinte sur l'adhésion de la Palestine à l'ONU. L'Occident n'est plus la région par défaut.