Cette idée reçue peut émaner principalement de deux choses : (1) l’ignorance de l’intersectionnalité, ou (2) une stratégie de certaines femmes blanches pour se désolidariser des autres causes.

Prenons l’intersectionnalité. Ce concept rappelle que les discriminations ne se vivent pas de manière isolée : elles se croisent et s’amplifient. Par exemple, une mère sans handicap peut, à juste titre, se plaindre du manque de places en crèche. Une mère avec un handicap aura aussi du mal à trouver des places en crèche, mais fera en plus face à l’inaccessibilité des lieux, à la difficulté de financement de la garde ou encore aux préjugés sur sa capacité à être parent.

Si on ne considère pas toutes les formes de discriminations en même temps, on ne crée des solutions que pour les femmes blanches, hétérosexuelles, sans handicap, de classe moyenne. Toutes les autres n’auront que des solutions en demi-teinte (p.ex. des logements subventionnés peu accessibles aux femmes précarisées en situation de handicap) ou des solutions qui ne sont pas du tout adaptées (p.ex. des consultations gynécologiques gratuites mais sans gynécologues femmes pour prendre en charge les femmes musulmanes). L’intersectionnalité permet au contraire de réfléchir aux problèmes de manière plus adaptée.

Prenons maintenant la deuxième problématique. L’idée que le patriarcat est l’ennemi no 1 des femmes est parfois utilisée de manière par certaines femmes pour ne pas questionner leurs privilèges et les systèmes d’oppression auxquels elles participent. En effet, les femmes blanches sont aux luttes anti-racistes ce que les hommes sont au féminisme : partie du problème. Certaines femmes blanches préfèrent se focaliser sur le système qui les opprime pour ne pas parler des systèmes dont elles tirent des privilèges (p.ex. racisme, validisme).

Ce phénomène a un nom : la course à l’innocence. Les personnes ne subissant qu’un type de discrimination vont chercher à garder le rôle de personne opprimée (et donc innocente) en cachant le fait qu’elles profitent des autres systèmes d’oppression. On ne peut pas toujours être concernée. On doit aussi par moment être alliée.